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L'ELEVAGE DE VOLAILLE

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La Houdan ou L’INNOVATION AVICOLE

19/2/09
1 commentaire

Pourquoi Houdan ou l’innovation avicole ?

On a toujours, ou du moins depuis les temps les plus reculés, élevé des volailles, la poule a sans doute été un des premiers animaux domestiqués par l'homme devenu éleveur après avoir vécu des produits de la cueillette et de la chasse.

Cette activité a marqué la toponymie des campagnes comme celle des villes avec leurs places du marché à la volaille.
Les races anciennes, élevées depuis des temps immémoriaux portent le nom de leur région d'origine: ardenaise, gascone, caussade, bresse ou de la ville-marché ou elles étaient vendues: pavilly, houdan, la flèche, ou encore d’un village où il s’en produisait beaucoup : Bény, Faverolles...
Aux époques où le numéraire était rare, au moyen âge par exemple, les redevances auxquelles étaient soumis les paysans étaient pour partie fixées en chapons et poulardes.

Les traités d'économie domestique portant sur l'art de bien conduire un domaine, ils furent assez nombreux aux temps modernes, ne négligent pas les profits que l'on peut attendre du poulailler s'il est bien mené.

Il fallut attendre la fin du 18° siècle, notamment sous l'impulsion des physiocrates, pour que l'on se préoccupe d'améliorer sérieusement les cheptels ovin et bovin: arrivé en 1786 à Rambouillet le troupeau de mérinos d'Espagne ne sera sainement géré qu'après que Daubenton à la demande de la Convention, en fixe les règles en 1794.

Le tour de la volaille viendra plus tard: à partir du milieu du 19° siècle les races locales sont étudiées, leurs caractéristiques, résumées dans un standard, sont repérées, leurs qualités respectives sont appréciées.

   Les techniques et les matériels de cette aviculture moderne et innovante auront, nationalement, une diffusion relativement limitée à quelques régions où l'élevage de la volaille est important et à de trop rares exploitations agricoles modernes en quête de progrès et d’amélioration de la productivité. Globalement l'aviculture française restera marquée par une grande routine et une très faible productivité. Entre les deux guerres mondiales les agronomes et les zootechniciens s'en émeuvent.
   
La région de Houdan est le berceau de deux races traditionnelles de volailles : La Houdan et La Faverolles.
 Si l’histoire de la première soulève encore de nombreuses interrogations, celle de la seconde, plus récente, est plus facile à établir. Mais leur célébrité atteste d’une intense activité avicole autour du marché de Houdan qui était leur principal lieu de commercialisation à destination des grands centres de consommation. Comme pour les autres races locales le nom donné est issu de la ville-marché où elles s’échangeaient ou du lieu où il s’en produisait beaucoup.
Houdan a été un centre commercial actif, sur la route de Paris à la Normandie et à la Bretagne, à la confinité du Drouais, de l’Yveline et du Mantois. Il y a plus de neuf siècles Simon de Montfort y créait la foire de St Matthieu au profit de l’hôpital de Houdan.
Quoi de plus naturel que la volaille locale porte le nom de la ville-marché d’où elle était exportée.
Quant à la Faverolles, autre création locale, il fallu bien, à la fin du 19ième siècle, baptiser ce nouveau produit arrivé depuis peu sur le marché de Houdan. Et c’est assez rapidement que les marchands prirent l’habitude de l’appeler du nom d’une des communes proches dont les fermières en étaient, parmi d’autres, d’importantes pourvoyeuses.  

 Ces deux variétés de volailles, par leurs qualités, se rendirent célèbres dans le monde entier.
Elles sont bien évidemment comme les autres espèces françaises dans le standard européen. Elles font partie de celles, moins nombreuses, qui figurent au standard britannique. Mais ce sont les deux seules volailles françaises retenues par le standard américain. Il y a une dizaine d’années une délégation d’universitaires de Canton, région de Chine active et peuplée où la Houdan s’élève en grande quantité,  est venue s’enquérir de la situation de la Houdan dans sa région d’origine.
Alors que des régions comme la Bresse avec ses variétés grise, noire et blanche, le Maine avec la La Flèche et la Le Mans ont, aussi, une renommée avicole pluri-séculaire, comment la région de Houdan a-t-elle pu donner à ses volailles une réputation universelle ?

 Il y avait un savoir-faire traditionnel original porté par une organisation socio-économique sans doute stimulée par la présence relativement proche du grand centre de consommation qu’est Paris. Sous-préfet de l’arrondissement de Mantes à l’époque de la monarchie de juillet, Armand Cassan livre une description précise des techniques et de l’organisation de l’élevage dans sa circonscription.  

 A ce savoir-faire ancien, tout aussi original que ceux de La Bresse ou du Maine, il ne s’élevait ailleurs que de la poule commune, se juxtaposent à la fin du 19ième siècle les techniques les plus avancées. Des pionniers et entrepreneurs audacieux créent des établissements d’aviculture qui pratiquent une sélection rigoureuse, conçoivent des matériels performants et surtout introduisent l’incubation artificielle.   
A peu près au même moment Voitellier à Mantes et Roullier et Arnoult à Gambais mettent au point des incubateurs, avec des systèmes de régulation de la température, sans lesquels on n’avait pu jusqu’alors faire éclore des poussins sans l’aide d’une dinde ou d’une poule couveuse. Houdan devient le centre de ce que l’on appellerait aujourd’hui une technopole, unique en France, de l’aviculture.
La plus ancienne couveuse exposée au Musée de la volaille de Bresse à Romenay a été construite à Gambais. De grands établissements d’aviculture de créent qui emploient les techniques les plus modernes : Voitellier à Mantes (1872), Roullier-Arnoult à Gambais (1873), Philippe à Houdan (1878), Duperray à Maulette (1872), Geffroy à La Musse, commune de Boutigny-sur-Opton (1882), Lacourt à Broué (1894), pour les plus importants, les plus connus et les plus anciens.
La taille de leur couvoir, le plus souvent entre 10.000 et 20.000 œufs, fait sourire les accouveurs actuels, c’est la capacité d’un seul incubateur moderne. Les couveuses d’alors, chauffées à la lampe (à pétrole), à la briquette ou avec de l’eau chaude renouvelée plusieurs fois par jour, contenaient au maximum 250 œufs. Les premiers incubateurs dits « mammouth » chauffés électriquement ne furent utilisés qu’à partir de 1925-1930. Ils n’étaient plus de création locale mais importés des Etats-Unis.

Plusieurs de ces grands couvoirs étaient aussi constructeurs de matériels vendus dans toute la France ; on en retrouve la trace dans des publicités anciennes. Ce fut le cas de Voitellier, de Roullier et Arnoult, des Etablissements Philippe. Ils proposaient au public des couveuses, mire-œufs, sécheuses (pour les poussins frais éclos), éleveuses, mangeoires diverses, épinettes, gaveuses mécaniques, etc… Ces dernières furent mises au point dans la région de Houdan, elles permirent de rendre moins contraignant l’entonnage qui, à la fin du 19ième siècle n’est plus pratiqué manuellement que par les petits cultivateurs. La gaveuse Odile Martin, du nom de son inventeur, a longtemps été citée comme un modèle du genre.

Deux écoles d’aviculture, l’une fondée en 1888 par M. Roullier à Gambais, l’autre par Franky-Farjon à Houdan, accueillent des stagiaires originaires non seulement des alentours, mais aussi du reste de la France, des colonies et de l’étranger. Elles contribuent à répandre le progrès technique. Leurs responsables écrivent dans de nombreuses publications où ils ont fort à faire pour combattre des préjugés vivaces, enracinés dans la routine des campagnes.

 On vient de très loin pour visiter les Ets Philippe, Roullier-Arnoult, Franky-Farjon : outre les salles d’exposition de matériel, des volailles de toutes races sont présentées. Mais dominent les Houdan et les Faverolles, dans des parcs où le visiteur se promène sur des allées sablées en découvrant des animaux logés dans des poulaillers de démonstration artistement disposés au milieu de massifs d’arbres.

Après la première guerre mondiale, beaucoup de changements économiques, sociaux, techniques et culturels se font jour. Ils marquent l’aviculture comme les autres activités. La région de Houdan reste un centre important de l’industrie de la volaille. Mais, dans ce nouvel environnement, ses entrepreneurs, s’ils continuent à être les leaders de l’incorporation du progrès technique, n’en sont plus les initiateurs.
Incontestablement la période 1870-1914 est celle de l’apogée de l’aviculture à Houdan.   


Daniel Sotteau,
août 2006

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Commentaires :

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  • Daniel CORDIER dit :
    18/9/2009 à 12h 12min

    Excellentes explication faites par Daniel SOTTAU qui sait de quoi il parle et à qui, l'on doit en grande partie, l'existence actuelle de cette vieille et jolie race.




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