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AU TEMPS DES ROMAINS

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Columelle.


Lucius Iunius Moderatus Columella dit Columelle est un célèbre agronome romain du milieu du Ier siècle, né à Cadix en Hispanie Bétique. S'étant fixé à Rome vers l'an 42 de J.-C, il y composa le traité De re rustica, en 12 livres.
Cette œuvre également appelée « Rei rusticæ libri » en douze volumes a été composée vers l'an 42 et tous nous sont parvenus. Son thème principal est l'agriculture et l'exploitation des latifundia à l'époque Romaine. Avec le De agricultura de Caton l'Ancien, elle représente la source la plus importante d'information sur l'agriculture romaine.

Extraits du livre VIII

Des diverses espèces de poules, de l'acquisition et de la nourriture des oiseaux de basse-cour.

"Je parlerai d'abord des animaux que l'on élève dans l'intérieur de la métairie. Il n'est pas généralement reçu que toutes les espèces dont nous venons de parler doivent y être entretenues par des villageois; quant aux poules, c'est ce dont personne ne doute. On en distingue trois espèces : les poules de basse-cour, les sauvages et les africaines.

On nomme poule de basse-cour, celle que l'on voit ordinairement dans toutes les fermes; poule sauvage, celle qui, ressemblant à la première, est prise par les oiseleurs, et qui abonde dans cette île de la mer Ligurienne que les matelots ont appelée Gallinaire, du nom de ce volatile ; et africaine, celle que presque tout le monde désigne sous le nom de poule numidique, qui ressemble à la pintade, si ce n'est que sa huppe et sa crête sont rouges, au lieu d'être bleues, comme celles de cet oiseau.

Le revenu qui provient de ces oiseaux de basse-cour n'est pas a dédaigner, si on les soigne convenablement, comme faisaient la plupart des Grecs, et surtout les Déliens, qui ont acquis de la célébrité à cet égard. Ces peuples recherchaient surtout, en raison de leur grande espèce et de leur courage dans les combats, les races de Tanagra et de Rhodes ; ils ne prisaient pas moins les poules de Chalcidie, et celles de Médie, que, par le changement d'une lettre, le vulgaire sans instruction appelle poules de Mélie.

Quant à nous, nous préférons l'espèce indigène, parce que nous ne partageons pas le goût des Grecs, qui élevaient le coq, ce fier oiseau, pour les joutes et le combat; nous pensons, nous, que les poules doivent constituer un revenu pour le père de famille industrieux, et non pas pour un instructeur d'oiseaux batailleurs, dont souvent tout le patrimoine, gage de la joute, lui est ravi par la victoire d'un athlète emplumé.

D'après ces considérations, celui à qui il conviendra de suivre nos préceptes doit d'abord examiner quelle quantité et quelle espèce de poules il doit acquérir; ensuite comment il doit les soigner et les nourrir ; dans quel temps de l'année il doit retirer leurs oeufs, les laisser couver et les voir éclore ; puis enfin veiller à ce que les poussins soient convenablement élevés : car c'est par ces soins et par ces attentions, qui constituent ce que les Grecs appellent ὀρνιθοτροφίαν (action d'élever les poules), qu'on obtient des produits de la basse-cour.
Toutefois, dans la basse-cour, les femelles de ces trois espèces s'appellent proprement poules; les mâles, coqs ; et les coqs châtrés, chapons : on pratique la castration sur les coqs pour éteindre en eux les désirs érotiques. En reste, on ne se borne pas à leur enlever les organes de la génération, on leur brûle aussi les éperons avec un fer chaud, et, après leur destruction, on enduit d'argile à potier, jusqu'à parfaite guérison, la plaie faite par le feu/

Le nombre de poules à se procurer est de deux cents : une seule personne suffira pour les soigner, pourvu qu'on lui associe soit une vieille femme, soit un enfant, qui veillent à ce qu'elles ne s'écartent pas, afin qu'elles ne deviennent pas la proie, ou des voleurs qui leur tendent des piéges, ou des animaux ravisseurs. Il ne faut, au surplus, acheter que des poules très fécondes. Leur plumage doit être ou rouge ou brun, et leurs ailes noires : s'il est possible, on les choisira toutes de cette même couleur, ou du moins d'une nuance qui en approche. Il est surtout important d'éviter d'en prendre de blanches : car elles sont presque toujours sans vigueur, peu vivaces et rarement fécondes. D'ailleurs, cette couleur, étant très apparente, les expose davantage à être enlevées par les éperviers et par les aigles.

Les pondeuses seront donc d'une bonne couleur, fortes de corps, de taille moyenne, larges de poitrine; elles devront avoir la tête grosse, de petites aigrettes droites et rousses, les oreilles blanches, les ongles inégaux, et, dans leur espèce, être très grosses. On regarde comme excellentes celles qui ont cinq doigts, mais dont les pattes ne sont point armées d'éperons saillants : car la poule qui porte cette distinction masculine, insensible à l'amour, dédaigne les approches du coq, et, outre qu'elle est rarement féconde, elle casse avec la pointe de ses éperons les oeufs qu'on lui donne à couver.
Il ne faut choisir parmi les coqs que ceux qui sont très ardents au coït. Leur couleur et le nombre de leurs ongles doivent être tels que nous les avons indiqués pour les femelles; mais leur taille doit être plus haute. Ils auront la crête élevée, rouge comme du sang, et parfaitement droite; les yeux roux ou noirâtres; le bec court et recourbé; les oreilles très grandes et très blanches, la cravate rousse et tirant sur le blanc, pendant comme la barbe d'un vieillard; les plumes du cou bigarrées ou d'un jaune d'or, recouvrant le chignon et le cou jusqu'aux ailes; la poitrine large et musculeuse; les ailes fortes et semblables à des bras ; la queue très élevée, se recourbant sur deux lignes formées chacune de longues plumes proéminentes ; les cuisses grosses et hérissées d'un plumage rude et épais ; les pattes robustes, peu longues, mais redoutablement armées d'espèces d'épieux menaçants.
Quoiqu'on ne le destine point aux combats et à la gloire des triomphes, on estime toutefois dans un coq le courage, la fierté, la vivacité, l'air éveillé; il doit toujours être prêt à chanter, et difficile à intimider : car il faut quelquefois qu'il se défende, qu'il protége la troupe de ses femmes, et qu'il tue le serpent qui se dresse menaçant, ou tout autre animal nuisible.

On donne cinq femelles à chacun de ces mâles.
Quant à l'espèce de Rhodes ou de Médie, comme elle est pesante, que les coqs sont peu portés à l'amour et les poules peu fécondes, on ne donne à chaque mâle que trois femelles. Celles-ci produisent peu d'oeufs, demandent rarement à couver, et plus rarement encore font éclore les petits, que le plus souvent elles n'élèvent pas. C'est pourquoi ceux qui désirent en posséder pour leur beauté, soumettent à l'incubation de poules communes les oeufs de l'espèce distinguée, et leur laissent à élever les poussins éclos par leurs soins.

Les poules de Tanagra, ordinairement semblables à celles de Rhodes et de Médie, ainsi que celles de Chalcidie, diffèrent peu pour le caractère de celles de notre pays. Au reste, les métis de toutes ces races, issus de coqs étrangers et de mères du pays, sont d'excellents poulets, parce qu'ils ont la beauté de leur père, et tiennent, pour la lubricité et la fécondité, de la poule de nos contrées.

Je ne fais pas un grand cas des volailles naines, qui ne peuvent plaire qu'en raison de leur petitesse, car elles ne sont recommandables ni pour la fécondité, ni pour les bénéfices qu'on doit en attendre. Je n'estime pas davantage le coq querelleur et toujours prêt à se battre: car, le plus souvent, il harcèle les autres coqs, et ne leur permet pas de cocher les poules, quoiqu'il ne puisse en féconder un trop grand nombre.
Aussi faut-il mettre un frein à sa pétulance, en lui introduisant la patte dans un morceau de cuir arrondi en flacon, que l'on perce par le milieu pour le rendre propre à sa destination : cette sorte d'entrave réprime la violence de son caractère.
Mais, comme je me le suis proposé, je vais donner des préceptes sur les soins que réclament toutes ces espèces de volailles.

 

 

 




 

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